PROMENONS-NOUS DANS LES BOIS
Tendresse
Que ta voix à travers les portes et les murs
Me trouve enfin dans ma chambre, caché par la poésie,
O enfant qui es mon enfant,
Toi qui as l'étonnement de la corbeille peu à peu
garnie de fleurs et d'herbes odorantes
Quand elle se croyait oubliée dans un coin,
Et tu regardes de mon côté comme en pleine forêt
l'écriteau qui montre les routes.
La peinture est visible à peine,
On confond les distances
Mais on est rassuré.
O dénuement!
Tu n'es même pas sûre de posséder ta petite robe
ni tes pieds nus dans tes sandales
Ni que tes yeux soient bien à toi, ni même leur
étonnement,
Ni cette bouche charnue, ni ces paroles retenues,
As-tu seulement le droit de regarder du haut en
bas ces arbres qui barrent le ciel du jardin
Avec toutes ces pommes de pin et ces aiguilles, qui
fourmillent?
Le ciel est si large qu'il n'est peut-être pas de place
en dessous pour une enfant de ton âge,
Trop d'espace nous étouffe autant que s'il n'y en
avait pas assez,
Et pourtant il te faut, comme les personnes grandes,
Endurer tout l'univers avec son sourd mouvement;
Même les fourmis s'en accommodent et les petits des
fourmis.
Comment faire pour accueillir les attelages sur les
routes, à des vitesses différentes,
Et les chaudières des navires qui portent le feu sur
la mer?
Tes yeux trouveraient dans les miens le secours que
l'on peut tirer
De cette chose haute à la voix grave qu'on appelle
un père dans les maisons
S'il ne suffisait de porter un regard clair sur le monde
Jules Supervielle
ILS VONT LA NOS RÊVES
C'était l'heure où d'aimables fées
Apportent dans leurs blanches mains
Riches colliers, brillants trophées
Au triste séjour des humains ;
C'était l'heure où, plus amoureuses,
Murmurant des mots nonchalants,
Les odalisques langoureuses
Fleurent d'ennui sur leurs bras blancs.
Ce fut l'heure où je vis en songe
L'ange aux yeux noirs que j'aime tant ;
Enivré d'un si doux mensonge,
Je l'appelai, tout palpitant,
Mais vainement ma voix l'implore ;
Malgré mon accent éploré,
Je vis fuir, comme un météore,
Ce charmant fantôme adoré.
François-Marie Robert-Dutertre.
huile sur toile, feuilles d'or
80x80
LE CHANT DE L'OISEAU
CHATEAU DE L'AUMERADE
C'est une de ces journées belles, comme je les aime. Un bleu pur dans le ciel, le soleil juste assez généreux pour illuminer cette campagne varoise que j'aime tant, mais pas trop pour n'avoir pas brûlé l'herbe restée verte.
Ah, le vert, le peintre que je suis a toujours eu du mal avec lui, mais l'amoureuse de la nature l'aime beaucoup.
Passé l'autoroute, on s'engage sur les petites routes du vignoble et là, mes yeux, mon coeur, tout s'emballe, je suis bien, je suis heureuse. Mais qu'elle est belle cette Campagne. Des vignes, quelques îlots de belles maisons, de cabanons cachés dans les arbres et au loin, les Maures.
Je vais m'imprégner du lieu qui va accueillir mes toiles cet été, l'Aumerade.
On arrive devant un portail majestueux
à notre gauche, un petit étang où nage, en bonne compagnie, un cygne noir.
La propriétaire des lieux est là, Marie-christine aime son domaine et sait nous le faire aimer, elle le raconte si bien.
On nous invite gentillement à tout découvrir
On prend notre temps, la boutique, la salle d'exposition
le musée des santons, ils viennent du monde entier
mais ceux qui attirent particulièrement mon regard sont les santons napolitains du XVIIIeme siècle.
Puis, l'amoureuse des beaux espaces que je suis est attirée par des arbres majestueux sous lesquels je vais me poser un moment pendant que François fait son métier de photographe.
Marie-Christine me rejoint et me raconte l'histoire de ces somptueux platanes plantés au XVème siècle.
Je suis bien, je suis au paradis et voilà, c'est dit, ce sera le titre de mon exposition.
Justine B au paradis
Grâce aux photographies de François Deflandre et à la gentillesse de Marie-Christine Fabre-Grimaldi
MAIS Où S'ENVOLENT NOS RÊVES
Ici-bas tous les lilas meurent,
Tous les chants des oiseaux sont courts ;
Je rêve aux étés qui demeurent
Toujours...
Ici-bas les lèvres effleurent
Sans rien laisser de leur velours ;
Je rêve aux baisers qui demeurent
Toujours...
Ici-bas tous les hommes pleurent
Leurs amitiés ou leurs amours ;
Je rêve aux couples qui demeurent
Toujours...
René-François Sully Prudhomme
hst, feuilles d'or 60x60
ABONDANCE
De ce chaume heureux possesseur,
De bon cœur, hélas ! que j'envie
Tes travaux, ta philosophie,
Ta solitude et ton bonheur !
Pour prix des soins que tu leur donnes,
Tes arbustes reconnaissants
Et des printemps et des automnes
Te prodiguent les doux présents.
Ô trop heureux qui peut connaître
La jouissance de cueillir
Le fruit que ses soins font mûrir,
La fleur que ses soins ont fait naître !
Toujours la terre envers nos bras
S'est acquittée avec usure.
Qui veut s'éloigner des ingrats
Se rapproche de la nature.
Ne craindre et ne désirer rien,
Etre aimé de l'objet qu'on aime,
C'est bien là le bonheur suprême ;
C'est le sort des dieux, c'est le tien.
Écrit en 1792.
Antoine-Vincent Arnault
hst, feuilles d'or 80x80